A propos

Claude Tironneau

Artiste peintre

Claude Tironneau est né en 1966 à Créteil. Issu d’une famille modeste, il perd sa mère à trois ans. Envoyé par son père remarié en pension en Haute Savoie, il y restera jusqu’à l’âge de 14 ans. A la fin de la troisième, il renonce à l’école, estimant qu’elle ne lui apporte strictement rien. Il entame, alors, une formation professionnelle en pâtisserie, qu’il ne complétera pas, tellement il a été rudoyé par un maître d’apprentissage brutal et peu scrupuleux. Jeune homme livré à lui-même, il peine à survivre. Il enchaîne des petites activités diverses: prostitution, et des pis-aller de tout genre : manutentionnaire, agent de nettoyage, accompagnateur des personnes handicapées. A la rue et abandonné de tous, il n’a pas de place dans la société. C’est fort heureusement, à l’âge de 24 ans, qu’il rencontre fortuitement David Kennedy qui le prend sous son aile. Soigné, logé, nourri, il accompagne David dans ses activités, notamment artistiques, dans le milieu associatif. Il s’y initie au dessin, à la peinture, gravure et sculpture. Il y prend goût. Encadré, son talent dévoilé, il poursuit, grâce à un mécène, sa carrière d’artiste-peintre jusqu’à aujourd’hui.

La peinture lui a ouvert, toutes grandes, les portes de la Culture, dont celles du théâtre et du langage et grâce à laquelle il est devenu pleinement Homme, une belle revanche sur l’ Ecole de la République qui se moque éperdument de ses enfants les plus fragiles.

C’est depuis bientôt 20 ans que Claude Tironneau et David Kennedy, guidée par une succession d’artistes et pédagogues hors pair, dont Thierry Cauwet, ont exploré de concert les arts plastiques. Un apprentissage méthodique et progressif qui les a amenés au maniement de tous les outils de l’aquarelle, la peinture à l’huile, l’acrylique, gravure, dessin, et la sculpture.

Le foisonnement des œuvres de Claude Tironneau est tel qu’une analyse exhaustive est vouée à l’échec. Les chemins de la compréhension sont pluriels, il convient, pour être plus concret, d’en isoler arbitrairement une facette: la peinture.

Les tableaux de Claude Tironneau sont des compositions., des représentations d’« objets » organisés dans l’espace de la toile, qui ne respectent nullement les règles « classiques » de la composition (la perspective, les points de fuite, la règle des tiers ) . Claude, qui ne les connaît pas d’ailleurs, s’apparente à ce que l’on nomme les ‘singuliers de l’art’.

Le processus d’élaboration de l’œuvre est symptomatique. La phase d’exécution n’est pas précédée d’une phase de préparation. Pas de croquis, pas de réflexion préalable sur le sens qu’il veut donner à sa peinture. Devant le chevalet, comme au pied d’un mur, l’artiste a une idée de ce qu’il veut peindre. Par exemple, un homme qui marche. Il peint dans un premier temps les contours, et, dans un second temps, décompose la surface intérieure délimitée par les limites en sous-espaces. Avec une infinie patience, il peint des motifs décoratifs jusqu’à saturation des sous-espaces. Le sujet central achevé, il complétera par la peinture d’autres sujets, eux-mêmes décomposés en espaces de petites dimensions, décorés de motifs. Les sujets s’enchaînent par une libre association d’idées.

Les couleurs, comme les règles de composition, ne sont choisies ni sur des critères d’intensité (couleurs chaudes, couleurs froides) ni sur les concepts d’harmonie ou de contraste. Comme pour les formes, le choix des couleurs obéit à la sensation du moment, au plaisir de rapprocher telle ou telle couleur ou au contraire de trancher par une complémentaire. Le plaisir de l’œil est le seul guide.

De proche en proche, par essais et erreurs, sans se référer aux « bons usages », aux règles édictées par d’autres, sans reprendre des tournemains qu’il aurait, par l’expérience, découverts, Claude Tironneau peint comme d’autres chantent, « naturellement », avec un incroyable plaisir.

Regardons ce qu’il représente. Des personnages, beaucoup d’hommes, quelques femmes. Pas de nourrissons, de vieillards. La raison en est simple : ses personnages n’ont pas vraiment d’identité. Ils sont « genrés » certes. Mais bien malin qui pourrait dire qu’elle est la couleur de leur peau, leur âge etc. Ce sont des Hommes « génériques » et non une tentative de représentation réaliste d’une personne précise. Ces « concepts d’Hommes » n’ont ni identité ni histoire. Ils n’entrent pas dans la représentation de scènes illustrant leurs interactions.

Ses formes peintes avec tant d’application sont des figures, comme on le dit de « figures géométriques ». Elles sont traitées comme les autres sujets : en deux dimensions, sans ombre, sans profondeur, jamais inscrites dans une succession de plans.

A côté des personnages, nous trouverons un univers. D’abord un bestiaire constitué de « beaux » animaux, des éléphants, des girafes, des chevaux. Le critère de « sélection » est, une fois encore, la beauté. Et peu importe la cohérence logique qui privilégierait d’autres critères naturalistes comme les animaux familiers ou les animaux exotiques. Comme pour les Hommes, les animaux n’ont pas d’identité : les éléphants sont semblables, les oiseaux également, tout comme les poissons. Le bestiaire de Claude Tironneau est peuplé de beaux animaux bienveillants envers les Hommes. Nous n’y trouverons pas de bêtes répugnantes, gluantes et laides. Du moins, de son point de vue.

Une faune « essentialisée », quasiment abstraite, une flore fonctionnant sur le même mode. Des arbres, des fleurs qui se ressemblent. Qui n’ont pas de critères distinctifs, pas d’identité.

Bref, l’artiste ne se sent tenu de représenter la Nature telle qu’elle est. Homme, faune, flore sont sélectionnés sur un seul critère éminemment subjectif, leur beauté formelle aux yeux de l’artiste. Nous pourrions proposer la même analyse pour les objets. Les maisons, les immeubles, les voitures etc. sont sélectionnés sur leur « séduction ».

Les tableaux ne sont régis par aucune règle extérieure au monde mental de l’artiste. La seule règle est le plaisir de peindre. C’est assez semblable au plaisir du vrai voyageur. Le plaisir n’est pas dans l’atteinte de la destination (qui n’est qu’un prétexte) mais dans le voyage en lui-même. Comme le voyage, Claude Tironneau ne règle pas son pas en fonction du résultat final. Reprenons la métaphore du voyage, il marche d’un bon pas, peint un sujet. Puis la proximité lui donne l’idée de peindre un autre sujet et, de cette manière, il peint l’ensemble de la surface de la toile.

Et la signification de l’œuvre me direz-vous ?

Si j’étais tant soit peu sophiste je vous répondrais que la beauté n’a pas besoin de sens. Faire une œuvre qui donne du plaisir, a, en soi, un sens. Ses tableaux sont beaux comme les plumes chatoyantes d’un oiseau, les écailles multicolores d’un poisson tropical. L’oiseau et le poisson ne savent pas qu’ils sont beaux. Ils sont « comme ils sont » et ce n’est pas l’œuvre d’un hypothétique démiurge. Ses toiles sont des « objets de plaisir ».

Or, cette considération, somme toute banale, je ne sais pas si Claude Tironneau donne un sens à ses tableaux. La liberté qu’il se donne, sa manière de faire ne signifient pas pour autant que les représentations n’ont pas, pour lui, de sens. Pour le savoir, il faudrait passer par le langage qui est aussi une représentation, et Claude n’a pas les mots pour le dire. La nécessité d’en passer par la langue est, pour lui, une aporie, comme c’est le cas pour de nombreux autres artistes.

Cependant, rien ne nous interdit de « mettre du sens » dans son œuvre. Nous sommes ainsi faits que nous ne pouvons pas nous en empêcher ! Alors, entrons « dans la peau » du peintre ; laissons-nous aller au plaisir de voir.

Il éprouve une certaine plénitude grâce à la peinture , et son œuvre lui vaut une reconnaissance sociale, ce qui est non négligeable après une enfance et adolescence difficile.